Écocide — Septième partie : entre tech et New Age
Écocide — Septième partie : entre tech et New Age

Écocide — Septième partie : entre tech et New Age

L’écocide venant avec son florilège de contraintes difficiles à imaginer, cet article en dix parties vous en apprendra les origines, les acteurs et les véritables objectifs. Septième partie.

L’écocide tient une place de choix dans les conférences des parties annuelles, dites COP. Le 4 novembre 2021 par exemple, la COP de Glasgow avait organisé une table ronde sur le sujet, intitulée « Loi sur l’écocide et financer l’avenir ». L’écoconvergence saupoudrée de New Age illustrée par les profils de ses intervenants.

Ralph Chami est directeur assistant du Fonds monétaire international (FMI) depuis 1998, mais aussi cofondateur de Rebalance Earth et Blue Green Future LLC. Rebalance Earth se présente comme née pendant la COVID19 entre « un conservationniste renommé [Ian Redmond 1], un économiste financier [Ralph Chami] et un expert de la technologie blockchain [Walid Al Saqqaf] ». L’objectif : « créer un marché, rendre la conservation de la vie sauvage lucrative et équitable ». Dans un podcast du 6 octobre 2021, Chami appelait à se servir de la finance pour protéger et améliorer la biodiversité tout en capturant le CO2. Quant à Blue Green LLC, encore relativement embryonnaire à l’époque de cette COP mais qui a depuis pris de l’ampleur, les profils valent leur pesant d’or écosystémique.

À l’image de l’essentiel des structures de ce type, Blue Green Future annonce travailler avec des entités variées : groupes de conservations, institutions universitaires, gouvernements, entreprises, fondations, institutions financières… BGF compte quatre cofondateurs, dont Chami. Connel Fullenkamp est présenté comme nanti de plus de trente ans d’expérience dans les marchés financiers et un expert primé en communication. Son CV rapporte sa qualité de consultant chevronné (depuis 1999) auprès du Fonds monétaire international – lui aussi. Dinah Nieburg est membre de Rebalance Earth, mentionné supra., et dispose de plus de 35 ans d’expérience comme coach (notamment auprès de l’ONU) et psychologue. Son profil LinkedIn précise qu’elle est également membre, entre autres, d’une organisation au nom étonnant, la Climate Coaching Alliance, lancée en 2019 et aux éléments de langage New Age. Le dernier cofondateur de Blue Green LLC, Thomas Cosimano, est modélisateur informatique et mathématique, avec plusieurs dizaines de publications dans des journaux économiques et financiers de référence. Il a par ailleurs validé les modèles de gestion de risque utilisés par le FMI.

Les consultants de BFG ont également des profils influents, qu’il s’agisse de David Guggenheim, fondateur de l’ONG Ocean Doctor (à Washington DC…) ou de Nathalie Hilmi, auteur de premier plan pour les rapports du GIEC. Mais nous retiendrons surtout la présence de Carlos Duarte, développeur du concept de carbone bleu (blue carbon) et présenté comme le 12e scientifique climatique le plus influent au monde.

Nous serons plus brefs sur les autres exemples, le but étant de mette en lumière, comme à l’accoutumée, la forêt derrière l’arbre. Un deuxième participant à la table ronde consacrée à l’écocide fut ainsi Gert Peter Bruch, fondateur de l’ONG Planète Amazone (invitée à Stockholm+50 avec d’ailleurs une conférence de Bruch), à partir de laquelle il créa l’Alliance des Gardiens de Mère Nature, en amont de la COP21 et avec le soutien de Paul Watson (Sea Shepherd Conservation Society) ou encore de Nicolas Hulot. Le lecteur curieux pourra se reporter au livre brillant écrit par Catherine Le Gall et intitulé L’imposture océanique. Page 154, Le Gall y écrit que selon Our Shared Seas, « Sea Shepherd arrive en bonne position dans les ONG que les fondations soutiennent » (les fondations bleues comme Packard, Moore, Oak, etc.), avec en 2016 plus de 14 millions de dollars pour la branche américaine de l’ONG de Watson. Il est par ailleurs membre du réseau de l’ONG End Ecocide.

Troisième participante, Katie Hoffman, entrepreneure et investisseuse en « solutions climatiques » (notamment auprès des fintech), entre autres associée à Regeneration VC (dont Leonardo DiCaprio est l’un des conseillers stratégiques, et qui est dirigée par Tom Sturgess, un ancien du directoire de Goldman Sachs et de l’US National Chamber of Commerce), et co-présidente de NEXUS Global (départements Innovation énergétique et Environnement). Les partenaires et sponsors de NEXUS Global comprennent plusieurs trusts et fondations, parmi lesquels la Fondation des Nations unies du néo-malthusien fanatique Ted Turner, partisan d’une coupe drastique dans la démographie mondiale.

Quatrième participant, Mindahi Crescencio Bastida Muñoz est directeur du programme des nations originelles de l’ONG The Fountain et délégué de Mother Earth du Center of Sacred Studies. Sur son site, The Fountain défend une interpénétration de l’économie sacrée, des territoires sacrés, ainsi que des cultures sacrées. Pour définir l’économie sacrée, The Fountain s’appuie sur une citation tirée d’un article du forum de Davos de janvier 2020. Ceci est cohérent avec le pedigree de la directrice des Économies sacrées de l’ONG, Amelia Barlow : consultante en « solutions climatiques » et en « droits écologiques » pour des organisations comme Google, Intel (micro-informatique, cofondé par Gordon Moore, qui a donné son nom à la Fondation Moore), le Council on Foreign Relations (l’un des think tanks les plus influents au monde), la campagne présidentielle de Barack Obama, Lakota Nation, et du Climate Emergency Fund – qui finance notamment Extinction Rebellion et qui « soutient les activistes qui transforment les politiques climatiques ». La fondatrice et « aînée spirituelle » (spiritual elder) de The Fountain est Jyoti Ma (de son vrai nom Jeneane Prevatt), dont le profil s’inscrit dans la spiritualité New Age : psychologie jungienne (à l’Institut Jung en Suisse), Esalen Institute (central dans les expériences psychédéliques de la contre-culture et de l’émergence du New Age au cours des années 1960-1970 – et auquel fait implicitement référence le film Les chèvres du Pentagone), « aînée spirituelle » du Center for Sacred Studies, dont The Fountain est une émanation.

La dernière intervenante de cette table ronde à la COP de Glasgow fut Jojo Mehta, déjà présentée dans notre quatrième partie, centrée sur les liens entre Stop Ecocide et Extinction Rebellion. Pour redonner ici quelques éléments, Mehta est cofondatrice de Stop Ecocide avec la juriste Polly Higgins, présidente de la Stop Ecocide Foundation et coordonnatrice du groupe international sur la définition juridique de l’écocide (Ecocide Law, un projet 2 conjoint de Stop Ecocide et du Promise Insitute for Human Rights de l’UCLA School of Law – qui revendique un rôle majeur dans la définition juridique de l’écocide). Sa biographie sur Stop Ecocide précise qu’elle participe à des émissions et a été interviewée dans divers journaux grand public : TIME Magazine, New York Times, The Guardian, et à la radio avec la BBC. Son profil LinkedIn précise que Jojo Mehta coorganise 38 Degrees Stroud, qui revendique être « une communauté très active politiquement », qui vise à s’impliquer dans des campagnes locales et nationales, principalement au travers de pétitions en ligne 3, qui impliqueraient « plus de 2 millions de Britanniques » 4. Mehta est également coorganisatrice de Frack Free Five Valleys, qui regroupe des communautés britanniques opposées à l’extraction gazière.

La présence de réseaux occultes

La dynamique impulsée s’est poursuivie l’année suivante. Stop Ecocide International s’est ainsi félicitée d’avoir bénéficié, ainsi que sa fondation, d’une « très forte présence » et d’un espace physique lors de l’édition de 2022. C’est d’ailleurs lors de cet évènement que fut officiellement présenté un livre qui nous rappelle l’œcuménisme de la cérémonie de l’Arche de l’Espoir qui a réceptionné la Charte de la Terre. Publié par End Ecocide Sweden, Faith Voices for Ecocide Law. Est l’œuvre de plusieurs organismes contributeurs. Parmi eux, outre le Centre for Applied Buddhism, Stop Ecocide, End Ecocide, l’Interfaith Center for Sustainable Development ou le Cambridge Mosque Trust, nous y retrouvons un nom rencontré lors de nos recherches, le Yale Forum on Religion and Ecology.

Nous avons découvert ce dernier par une analyse de Faith Ecocide for Law, une structure rapidement évoquée à la fin de notre sixième partie. Ses partenaires sont Religions for Peace, CEMUS 5, la Fondation Stigtuna 6, les Jeunes de l’Église de Suède, et le Conseil interconfessionnel suédois. Toutefois, une étude plus approfondie de cette organisation la fait apparaître comme le probable paravent d’autres réseaux. Le 07/10/2021, la coalition a publié une allocution de Mary Evelyn Tucker, « Une nouvelle éthique pour prévenir l’écocide ». Tucker est présentée comme « une pionnière dans le champ de la religion et de l’écologie, cofondatrice et codirectrice du Forum on Religion and Ecology de l’Université de Yale » avec son époux John Grim. Mais des recherches biographiques supplémentaires sur Mary Evelyn Tucker fournissent des informations d’un autre type, faisant émerger par ailleurs un profil ancré dans la spiritualité New Age : vice-présidence de l’American Teilhard Association 7, membre du comité de l’Interfaith Partnership for the Environment du PNUE, membre du conseil d’Earth Charter International (de la Charte du même nom citée ci-dessus), cofondatrice de la Thomas Berry Foundation 8, directrice de Toward Ecological Civilization, membre du conseil mondial sur la spiritualité et la deep ecology à la très New Age World Commission on Global Consciousness and Spirituality, membre du bureau consultatif d’Orion Magazine, organisatrice chez Beyond Sustainability – où l’on retrouve Lynne Twist de la Pachamama Alliance –, etc. John Grim, époux de Mary Evelyn Tucker, est également cofondateur de la Thomas Berry Foundation et membre du conseil mondial sur la spiritualité et la deep ecology à la World Commission on Global Consciousness and Spirituality.

Au sein de celle-ci se trouvent et se trouvaient Jane Goodall, Al Gore, Mikhail Gorbatchev, Steven Rockefeller (i. e. deux des trois initiateurs de la Charte de la Terre), Bono, le Dalai-Lama, El Hassan bin Talal (en tant que président du Club de Rome), etc. Il fut par ailleurs directeur du Metanexus Institute, une organisation aux accents New Age 9 dont le logo, comparable à celui de l’Open Society de Soros, est une spire ésotérique. Nous retrouvons, de manière peu ou prou comparable, une spire en forme de coquillage sur une page du Forum on Religion and Ecology du couple Tucker / Grim de l’université de Yale. Le Forum est en outre partenaire de plusieurs organisations, parmi lesquelles la mission Faith for Earth du PNUE, ou encore de Religions for Peace, mentionnées supra.

1 – Fondateur et chairman de l’Ape Alliance (1996), financée par la Oak Foundation (active sur la finance bleue et déjà identifiée par Yan Giron) et Mighty Earth (fondée par Glenn Hurowitz, consultant pour des structures environnementales mais aussi pour des trusts qui servent de paravent au business des énergies renouvelables : David and Lucile Packard Foundation, ClimateWorks Foundation). Redmon est par ailleurs consultant pour la Born Free Foundation, une ONG axée sur la défense des animaux sauvages et par extension du wilderness. Elle travaille avec diverses organisations, dont l’IUCN et le programme GRASP (protection des grands singes) du PNUE.

2 –  La plateforme Ecocide Law se présente comme regroupant les diverses ressources documentaires relatives à la question de l’écocide : définition(s), histoire, articles de recherche, lois (selon les pays), sujets liés. Il s’agit d’un projet conjoint de la plus grande ONG sur l’écocide, Stop Ecocide International, ainsi que de The Promis Institute for Human Rights de l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) School of Law.

3 – Le site précise qu’un groupe local 38 Degrees peut « diffuser de l’information et planifier des actions sur des questions spécifiques (e. g. Partenariat transatlantique, National Health System, fracturation hydraulique ; ressources croisées entre différentes campagnes et entre différentes actions locales et nationales ; soutien et opportunités de feedbacks pour les organisateurs / impulseurs de changements locaux ».

4 – https://home.38degrees.org.uk/about/ 38 Degrees a été notamment « endossée » par des cadres de plusieurs organisations : Greenpeace UK, MoveOn & Directeur régional de campagne pour Barack Obama, The Times.

5 – Suédois, le CEMUS (The Centre for Environment and Development Studies) a été lancé en 1992. Il se présente comme transdisciplinaire et visant à « contribuer à un monde plus juste et durable ».

6 – Suédoise, la Fondation Stigtuna se présente comme « un forum de dialogue et d’ouverture » et accueille divers événements de nature variée (éducation, culture, travail, mariage…).

7 – Pour rappel, celle-ci a été nommée en référence à Pierre Teilhard de Chardin, une référence mystique de la pensée New Age.

8 – Thomas Berry a été président de l’American Teilhard Association, a édité un livre chez Sierra Club Books, et a occupé d’autres postes : comité consultatif du Forum on Ecology and Religion, patron de la Gaia Foundation, bureau consultatif du Sacred Earth Network, conseil mondial sur la spiritualité et la deep ecology à la World Commission on Global Consciousness and Spirituality, conseil administratif et récipiendaire du prix de Temple of Understanding (une organisation interconfessionnelle mondiale qui bénéficie d’un statut consultatif aux Nations unies), etc.

9 – Ce que souligne la liste de ses partenaires.

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