L’écocide venant avec son florilège de contraintes difficiles à imaginer, cet article en dix parties vous en apprendra les origines, les acteurs et les véritables objectifs. Quatrième partie.
Vous connaissez déjà sans la connaître Stop Ecocide International. Pas parce que nous l’avons déjà introduite dans un article précédent pour sa formalisation de la définition de l’écocide. Mais pour sa proximité presque incestueuse avec la médiatique Extinction Rebellion, dite « XR ». Le bureau consultatif de Stop Ecocide International accueille ainsi Gail Bradbrook, cofondatrice d’Extinction-Rebellion (alias « XR »). Dans une vidéo, Bradbrook avait à ce titre déclaré :
Extinction Rebellion et le travail de Polly [Higgins] (Stop Ecocide) sont très intimement liés, spirituellement, émotionnellement, amicalement, amoureusement, et aussi de manière très pratique.
Polly Higgins and the formation of extinction rebellion
Dans un billet de blog daté de 2019, Jojo Mehta donne plus de détails :
L’actuelle campagne de crowdfunding – désormais connue en tant que Stop Ecocide – a été cofondée en 2017 par la juriste Polly Higgins et l’activiste Jojo Mehta, deux bonnes amies de Gail Bradbrook, Simon Bramwell et d’autres cofondateurs d’Extinction Rebellion (XR). Jojo et Gail furent arrêtés ensemble en 2017 lors du blocage d’un incinérateur local ; Gail a été l’une des premières signataires d’Earth Protectors [Trust Fund] de Stop Ecocide ; Polly a dès le départ assisté Extinction Rebellion avec ses conseils juridiques.
Stop Ecocide & Extinction Rebellion – what’s the connection?
Higgins est par ailleurs à l’origine de la campagne de lobbying pour une loi sur l’écocide (#EcocideLaw) dès 2010-2011.
Cette collaboration se poursuit toujours. Après la proposition du Parlement européen traitée dans notre deuxième article, le lobbying en vue de peser sur le trilogue communautaire a connu de nouvelles manifestations. Le 21 mai 2023 par exemple, veille de la Journée mondiale pour la biodiversité, le chapitre belge de Stop Ecocide a ainsi organisé une « Marche pour la biodiversité et pour la reconnaissance du crime d’écocide », explicitement soutenue par Extinction Rebellion. Nous y retrouvons d’autres noms connus tels que Greenpeace, Coalition Climat (qui regroupe une centaine d’organisations environnementales dont le WWF et OXFAM) ou Youth for Climate, né suite à l’appel lancé début 2019 par Greta Thunberg.
Quant à Jojo Mehta, de son vrai nom Ella-Jo Maria Mehta, elle est la petite fille de l’auteur et pianiste indien Phiroz Mehta (1902-1994). Entre autres éléments biographiques, la notice Wikipédia de ce dernier rapporte qu’il fut étroitement impliqué au sein de la Société théosophique d’Helena Blavatsky, au point de diriger la branche de Colombo (capitale du Sri Lanka) dès l’âge de seize ans. La mère de Jojo Mehta s’inscrit peu ou prou dans la même filiation. Jehanne (de son vrai prénom Sylvia) Mehta s’inscrit dans la spiritualité New Age. La raison ayant motivé son changement de prénom est éclairante, suite à un séjour prolongé en France à la fin de son adolescence :
Elle ressentit une affinité particulière avec la région parfois nommée « pays cathare » d’après la secte chrétienne radicale qui se développa dans le sud de la France au 13e siècle, un groupe égalitaire et hautement cultivé qui autorisait les femmes à devenir des initiées. Cette connexion fut suffisamment forte pour inspirer son changement de nom officiel en Jehanne […].
Biography – Jehanne Meht
Hormis cette alliance d’estrade, Stop Ecocide International constitue une galaxie à elle seule. À côté, End Ecocide fait office d’antenne communale. Son influence s’adosse par ailleurs à ses très nombreux soutiens de poids, dont le pedigree parfois vertigineux figure, à titre illustratif occasionnel, dans nos notes de bas de page.
Une cartographie des supporters de l’ONG, que nous avons menée intégralement mais sur laquelle, pour des raisons de format, nous ne serons ici pas exhaustifs, révèle que le ver est dans le fruit (i. e. les institutions) depuis bien longtemps. Plusieurs noms en témoignent : Pape François, le vice-président de la Commission européenne et patron du Green Deal Frans Timmermans, la marionnette de Davos Greta Thunberg, la néo-malthusienne furieuse (et « Messagère de Paix » des Nations unies) Jane Goodall, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, l’ancien Beatles (et cofondateur de Meat Free Monday pour vous faire manger moins de viande) Paul McCartney, l’ancienne présidente de la Finlande (2000-2012) Tarja Halonen, Richard Falk (figure-clé du développement du concept d’écocide), ou encore les très influents Sir Shridath Ramphal 1 et Sir Jonathon Porritt (voir infra). Une liste très loin d’être exhaustive.
Qui finance, et quel méta-réseau ?
Comme bien souvent dans le néo-malthusianisme, dérouler la pelote de laine nous mène vers la Grande-Bretagne. L’équipe internationale centrale de Stop Ecocide est « gérée depuis le Royaume-Uni » par Stop Ecocide International Ltd. Or sur la page dédiée, nous apprenons que les salaires des directeurs de l’ONG sont payés par la Polden-Puckham Charitable Foundation, elle aussi britannique. Signataire de Divest Invest Philanthropy (où l’on retrouve entre autres Greenpeace, Friends of the Earth, 350.org., etc.), la Polden-Puckham est membre de l’Environmental Funders Network. Un coup d’œil à l’équipe de ce réseau est éclairant. Sa directrice Florence Miller a en effet travaillé aux États-Unis pour la National Audubon Society, l’un des plus puissants groupes environnementaux au monde et qui a été pendant longtemps lourdement financée et soutenue par la famille Rockefeller. Elle a également travaillé pour le WWF directement à Washington DC. Dit autrement, elle dispose du profil typique de l’agent d’influence américain en faveur de l’agenda écologique. Sa très courte notice disponible sur Sourcewatch révèle qu’elle dirige le réseau depuis 2012 et qu’auparavant, elle codirigea Together Green, projet conjoint d’Audubon et de Toyota.
Le bureau administrateur de l’Environmental Funders Network est lui aussi éclairant. Sans être exhaustifs, nous retiendrons tout de même plusieurs profils. Hugh Mehta, dont une photographie comparée interroge sur un lien de parenté avec Jojo Mehta, a travaillé pour la branche britannique du WWF. Fiona Napier a été directrice aux plaidoyers internationaux pour l’Open Society Foundation de George Soros, mais aussi directrice associée aux campagnes sur la gouvernance environnementale de la très (très) sorosienne Global Witness. Elle a par ailleurs cofondé avec Soros la campagne Publiez ce que vous payez, devenue rapidement l’Initiative pour la transparence des industries extractives. Dit autrement, son profil est aussi celui d’un agent d’influence gouvernemental, ce que sa qualité de membre fondatrice du directoire de l’Ethical Trade Initiative appuie un peu plus.
Cette structure a en effet rapporté que le département britannique pour le développement international (équivalent british de l’USAID) lui a accordé des fonds illimités pour son action. Enfin, Fiona Napier est basée à Nairobi au Kenya, soit la ville où Maurice Strong a implanté en 1972 le siège du Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE). Autre profil, Champa Patel fut directrice de l’innovation du puissant International Crisis Group (financé entre autres par la Fondation Gates et l’Open Society, et des lobbies verts-bleus comme les Fondations Hewlett, Packard, et MacArthur), et elle occupe des responsabilités au sein de la barbouzoïde Chatham House, dont la règle est bien connue :
Lorsqu’une réunion, en tout ou en partie, est tenue selon la règle de Chatham House, ses participants sont libres d’utiliser les informations qui leur sont données, mais ne peuvent divulguer ni l’identité ni l’affiliation des orateurs ni celles de tout autre participant à la réunion.
Chatham House Rule
Les autres profils sont peu ou prou du même acabit, et l’on relève plusieurs d’entre eux qui ont occupé des postes dans divers programmes des Nations unies.
Objectifs
Stop Ecocide, initialement Ecological Defence Integrity mais renommée en 2021 pour se mettre au diapason de la mobilisation internationale sur la question décrit son activité centrale comme dédiée à activer et développer un soutien trans-sectoriel pour une reconnaissance internationale du crime d’écocide. L’organisation déclare – ce que confirme notre cartographie infra à partir des informations de son site – collaborer avec des profils issus de milieux variés à cette fin : diplomates, personnalités politiques, juristes, dirigeants d’entreprises, ONG, groupes religieux et indigènes, influenceurs, experts universitaires, campagnes & individus locaux. Elle dispose de ramifications dans une vingtaine de pays, et se compose de plus de 22 000 membres, qu’elle appelle « Protecteurs de la Terre » (Earth Protectors), tels que Paul McCartney ou Cara Delevingne.
Stop Ecocide précise que son travail « se situe à l’intersection des développements législatifs, de la traction politique et de la narration publique, et a de ce fait un positionnement uniquement dédié tant au soutien qu’à l’amplification de la discussion mondiale » sur le sujet. L’ONG est notamment intervenue au cours de plusieurs tables rondes tant à la COP 26 qu’à la COP 27 (cf. l’un de nos prochains articles). Également présente dans les médias, elle bénéficie de nombreuses portes ouvertes.
La demande de criminalisation de l’écocide trouve un écho à plusieurs niveaux, comme l’ONG le précise : interventions publiques au niveau parlementaire et / ou gouvernemental au travers de motions, pétitions, résolutions, questions parlementaires, livres blancs ou propositions de lois complètes dans divers pays et institutions : Bangladesh, Brésil, Bolivie, Belgique, Canada, Chili, Finlande, France 2, Luxembourg, Maldives, Mexique, Pays-Bas, Portugal, Écosse, Espagne, Suède, Royaume-Uni, Vanuatu, Parlement européen, Conseil nordique 3, et Union interparlementaire. D’ailleurs, le site de l’ONG propose un suivi chronologique des avancées étatiques et supra-étatiques sur la question.
- Écocide — Première partie : lame de fond
- Écocide — Deuxième partie : l’arme juridique
- Écocide — Troisième partie : End Ecocide on Earth
- Écocide — Cinquième partie : le lobby Stop Ecocide
- Écocide — Sixième partie : à l’ombre de Stop Ecocide
- Écocide — Septième partie : entre tech et New Age
- Écocide — Huitième partie : les neuf limites planétaires
- Écocide — Neuvième partie : Global Commons Alliance ou la contrainte positive
- Écocide — Dixième partie : l’humanité dernière limite planétaire
1 – Ancien secrétaire général du Commonwealth et auteur de Our Country, the Planet. Son parcours est en réalité plus fourni, comme le souligne Source Watch : co-président de la Commission sur le gouvernance mondiale, président de l’UICN, président du comité consultatif international du programme LEAD (Leadership in Environmental and Development) de la Rockefeller Foundation, conseiller spécial (en 1991) auprès du secrétaire général de la Conférence sur l’Environnement et le Développement des Nations unies (UNCED), membre de la Commission Brundtland sur le développement durable, délégué d’Earth Charter International, lauréat du prix Indira Gandhi pour la Paix, et « ami » de l’International Institute for Sustainable Development. Ces « amis » comptent également Gro Harlem Brundtland du rapport du même nom. L’Institut a compté parmi ses « fellows distingués » Maurice Strong et Jim MacNeill, ancien secrétaire général de la Commission Brundtland et ami de Maurice Strong depuis la Conférence de Stockholm de 1972 (cf. l’autobiographie de Strong, Where on Earth are we Going ?, format Kindle, emp. 4344.).
2 – Pour la France, un communiqué de Stop Ecocide du 24/08/2021 a rapporté que le droit français a intégré l’écocide à ses dispositions à deux titres, dans la Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : l’écocide est un délit au regard de l’article 231-3, et le gouvernement est obligé, selon l’article 296 de la nouvelle loi, de fournir sous un an un rapport au Parlement sur « son action en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme d’un crime qui peut être jugé par les cours criminelles internationales ».
3 – Sis au Danemark, le Conseil nordique est un forum de coopération pour les institutions parlementaires des pays nordiques. Il se compose de huit membres : Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Îles Féroé, Groenland et Åland.
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