L’écocide venant avec son florilège de contraintes difficiles à imaginer, cet article en dix parties vous en apprendra les origines, les acteurs et les véritables objectifs. Dernière partie.
Le lien entre l’écocide et la démographie a été pensé presque dès l’origine du concept d’écocide, en 1970. En 1971, Paul R. Ehrlich et John P. Holdren publièrent dans leur livre Global Ecology : readings towards a rational strategy for man, un chapitre au titre on ne peut plus clair : « Overpopulation and the potential for ecocide ». Trois ans plus tôt, Paul Ehrlich avait publié La Bombe P (The Population Bomb, en langue originale), qui traitait de la surpopulation, et où il promouvait notamment le contrôle des naissances et la stérilisation. Très officiellement, la notice Wikipédia anglais consacrée au livre rapporte qu’Ehrlich et son épouse Anne y préconisaient l’utilisation de stérilisants temporaires dans l’eau potable et dans les produits alimentaires. Dès 1969, le prophète Ehrlich annonçait que sous quinze ans, la planète excéderait sa capacité à supporter l’humanité. La même année, Ehrlich et Holdren avaient écrit l’article « Population and Panaceas. A Technological Perspective » dans le même esprit. Un article du Smithsonian Magazine de 2018 rapporte par ailleurs que la panique créée par La Bombe P avait entraîné, suite à sa publication, l’implémentation de programmes de contrôle des naissances. L’article rapporte ainsi les travaux du livre Reproductive Rights and Wrongs de Betsy Hartmann :
Certains programmes de contrôle de la population ont fait pression sur les femmes pour qu’elles n’utilisent que certains contraceptifs officiellement obligatoires. En Égypte, en Tunisie, au Pakistan, en Corée du Sud et à Taiwan, les salaires des agents de santé étaient, dans un système qui incitait aux abus, dictés par le nombre de DIU qu’ils inséraient aux femmes. Aux Philippines, des pilules contraceptives ont été littéralement lancées depuis des hélicoptères survolant des villages isolés. Des millions de personnes ont été stérilisées, souvent sous la contrainte, parfois illégalement et fréquemment dans des conditions dangereuses, au Mexique, en Bolivie, au Pérou, en Indonésie et au Bangladesh. Dans les années 1970 et 1980, l’Inde, dirigée par la Première ministre Indira Gandhi et son fils Sanjay, a adopté des politiques qui, dans de nombreux États, exigeaient la stérilisation des hommes et des femmes pour obtenir de l’eau, de l’électricité, des cartes de rationnement, des soins médicaux et des augmentations de salaire. Les enseignants pourraient expulser les élèves de l’école si leurs parents n’étaient pas stérilisés. Plus de huit millions d’hommes et de femmes ont été stérilisés rien qu’en 1975 («Enfin», a fait remarquer le directeur de la Banque mondiale, Robert McNamara, «l’Inde s’apprête à résoudre efficacement son problème de population.»). Pour sa part, la Chine a adopté une politique de «l’enfant unique» qui a conduit à un nombre considérable de personnes, peut-être 100 millions. d’avortements forcés, souvent dans de mauvaises conditions, contribuant à l’infection, à la stérilité, voire à la mort. Des millions de stérilisations forcées ont eu lieu.
Le pedigree de Paul Ehrlich souligne son influence dans les cénacles mondialistes : cofondateur de Zero Population Growth, patron de Population Matters, conseiller stratégique du Natural Capital Project, membre du bureau honoraire de la David Suzuki Foundation (père de Severn Cullis-Suzuki, la Greta Thunberg du Sommet de Rio), etc. Dans la même veine, Ehrlich reçut en 1987 ce qui était alors le Gold Medal Award (aujourd’hui Duke of Edinburgh Conservation Medal) du WWF, qui récompense les grandes contributions à la conservation de la vie sauvage et des ressources naturelles. Il obtint cette récompense aux côtés du Prince Bernhard des Pays-Bas, cofondateur du WWF et cofondateur, avec Joseph Retinger et David Rockefeller, du Groupe de Bilderberg.
Le CV du second auteur de Global Ecology vaut lui aussi son pesant de néo-malthusianisme. John P. Holdren est professeur de Politique environnementale au sein de la Kennedy School of Government de Harvard – la même où Klaus Schwab s’est vanté que pénétrer les gouvernements de divers pays grâce à ses Young Global Leaders. Il a également occupé plusieurs postes d’influence sur les questions d’énergie, d’environnement et autres. Mais sa biographie disponible sur le site d’Harvard souligne des liens bien plus étroits avec la Maison-Blanche. Pendant les deux mandats de Bill Clinton, il fit partie du Conseil consultatif présidentiel sur la science et la technologie. Par la suite, de janvier 2009 à janvier 2017, il servit comme conseiller scientifique de Barack Obama et directeur confirmé par le Sénat du bureau de la Maison-Blanche dédié à la politique scientifique et technologique – faisant de lui le plus long conseiller scientifique présidentiel. En 1993, Paul Ehrlich et lui reçurent le Volvo Environment Prize, qui récompense les découvertes et innovations scientifiques majeures dans le domaine environnemental. Enfin, Holdren est un ancien président de Woodwell Climate (ancien Woods Hole Research Center). Fondée en 1985, cette structure revendique son rôle moteur dans le lancement de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, en 1992 (Sommet de Rio). Le site ajoute qu’en 2007, plusieurs scientifiques de Woodwell Climate ont partagé le Prix Nobel de la Paix avec le GIEC.
L’Union européenne et les limites planétaires
Comme écrit en introduction de notre 8e partie, les concepts écologiques, loin d’être des éléments dispersés, font en réalité système. Écocide et limites planétaires l’illustrent, mais le pass carbone vient compléter le tableau et boucler la boucle. Dans la première partie de notre dossier sur le pass carbone, nous avons rapidement évoqué les Plateformes créées par la Commission européenne pour calculer la consommation carbone – individuelle comme collective. Nous préciserons ici que les limites planétaires sont une de leurs références centrales.
La Commission a créé une Plateforme de monitoring de l’empreinte environnementale de la production et de la consommation européennes (Consumption Footprint Platform), notamment au regard des limites planétaires. Les indicateurs d’empreinte domestique et d’empreinte de consommation se trouvent ainsi être la base d’une « évaluation systémique et holistique de la transition vers la durabilité » pour l’ensemble des dispositifs communautaires dédiés : « soutenir les ambitions du Pacte vert pour l’Europe, telles que l’économie circulaire (Circular Economy Action Plan), la pollution zéro (Zero Pollution Action Plan), le production alimentaire durable (Farm to Fork Strategy) et conservation de la biodiversité (EU Biodiversity Strategy for 2030) ».
Autre initiative de la Commission, la plateforme KnowSDGs comporte un calculateur d’empreinte carbone du consommateur. Cet outil s’appuie sur 16 indicateurs – au premier rang desquels le changement climatique – adoptés par la méthode d’empreinte environnementale de produit (Product Environmental Footprint) mise au point par la Commission européenne. L’évaluation de notre consommation se fait dans cinq domaines : nourriture, mobilités, électroménager, biens domestiques, logement. Le rapport de 2022 consacré au calculateur précise dans son titre qu’au-delà de la seule consommation, il est aussi question d’estimer l’impact du mode de vie des citoyens européens. Plus largement, les utilisateurs du calculateur peuvent « comprendre » l’impact environnemental de leurs différents produits, les comparer à ceux du citoyen européen moyen, vérifier leur niveau au regard des limites planétaires (mentionnées à 33 reprises dans le rapport).
Enfin, l’empreinte carbone nationale et communautaire (calculée à l’échelle des États membres), là encore mesurée grâce à un outil implémenté par la Commission européenne, fait référence au même concept. La moyenne présentée compte les kilos de CO2 émis par personne. Une vue d’ensemble des 16 indicateurs adoptés précédemment cités fournit différentes unités de calcul. Seul le changement climatique est mesuré en kilos de CO2 émis individuellement. L’empreinte de consommation est ensuite rapportée aux seuils des limites planétaires déjà présentés, avec des niveaux qui représentent une, deux et trois (ou plus) limites planétaires franchies. Le changement climatique (et donc son coupable désigné, le CO2) figure parmi les indicateurs à haut risque.
En résumé, les limites planétaires jouent un rôle privilégié de liant entre le pass carbone et l’écocide. Outils parmi tant d’autres de l’Agenda 2030 et de son corpus millénariste la Charte de la Terre qui devront théoriquement permettre – enfin – l’avènement effectif du Nouvel Âge, ces armes poursuivent sans trop de souci leur déploiement en soutien à la réduction démographique tant rêvée des néo-malthusiens fanatiques. De Davos à l’Union européenne, des Nations unies aux ONG, des traîtres aux aliénés.
- Écocide — Première partie : lame de fond
- Écocide — Deuxième partie : l’arme juridique
- Écocide — Troisième partie : End Ecocide on Earth
- Écocide — Quatrième partie : les janusiennes Extinction Rebellion et Stop Ecocide
- Écocide — Cinquième partie : le lobby Stop Ecocide
- Écocide — Sixième partie : à l’ombre de Stop Ecocide
- Écocide — Septième partie : entre tech et New Age
- Écocide — Huitième partie : les neuf limites planétaires
- Écocide — Neuvième partie : Global Commons Alliance ou la contrainte positive
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