Alors que Davos prépare les peuples à l’adoption du pass carbone, il nous a cru bon d’en révéler les origines et enjeux dans un article en huit parties, voici la septième.
Le Forum économique mondial se cache parfois dans les détails. On se souvient de la tentative avortée du Common pass, que Davos avait réalisé communément avec la Fondation Rockefeller. L’intérêt de l’organisation de Klaus Schwab est sans surprise manifeste au sujet du pass carbone.
Sustainia ou la revanche de Davos
En 2015, la Banque asiatique de développement a initié un pass bas-carbone incitatif appliqué à l’éco-tourisme. Le principe : bénéficier de réductions sur diverses attractions grâce au cumul de points carbone. Assez rapidement, une dizaine de milliers de ces passeports ont été délivrés, soulignant un engouement certain pour la démarche. Tremplin vert, l’idée de la Banque a entraîné un ensemble d’applications pratiques vertes dans la région, des infrastructures aux services en passant par les mécanismes financiers.
Pour Davos, il faut dérouler la pelote. L’initiative asiatique a été saluée au premier trimestre 2019 par une organisation nommée Sustainia, sur le site de Global Opportunity Explorer (GOE). Sustainia y écrivait que « le passeport à bas-carbone renforce l’éco-tourisme ». Les arguments forces défendus par l’article renvoient aux mantras conventionnels de la propagande verte : aide à la préservation environnementale, limitation des diverses pollutions, notamment le diabolique CO2, création d’emplois.
Sustainia n’est pas un invité du site. Cette structure a cofondé Global Opportunity Explorer avec le programme Pacte mondial (Global Compact) des Nations unies et contribue à l’avancée de l’Agenda 2030. Détail notable au regard de l’ensemble de nos travaux : les soutiens de GOE sont presque exclusivement norvégiens, un pays décidément bien ancré dans le soutien à l’agenda mondialiste. Point plus important ici : le Pacte mondial a pour la première fois été évoqué en 1999 au cours du Forum de Davos par Kofi Annan, à l’époque secrétaire général de l’ONU. Son idée-maîtresse était que les entreprises doivent adopter des comportements responsables, notamment en termes de pratiques environnementales.
Une recherche sur Sustainia se montre plus riche en informations. Hormis des liens décennaux avec l’ONU, la chronologie de Sustainia révèle qu’il s’agit là de son second nom. Créée en 2007, elle portait auparavant celui de Climate Copenhagen Council (CCC) et a pu tenir des rôles assez importants. Par exemple, en mai 2009 avec la coordination officielle du World Business Summit on Climate Change en amont de la COP15 de Copenhague, aux côtés – déjà – du Pacte mondial et du Forum de Davos.
Le fondateur du Climate Copenhagen Council est le danois Erik Rasmussen, désigné dès 2006 comme l’un des 100 journalistes les plus influents au monde par le Forum de Davos. Militant infatigable avec plusieurs décennies de travaux à son actif, Rasmussen porte plusieurs casquettes, comme de nombreuses personnalités. Il côtoie de ce fait aussi bien Naoko Ishii (ancienne présidente de la Global Environment Facility et directrice du Center for Global Commons – dont nous reparlerons dans notre série sur le Wilderness) que le Dr Juergen Voegele de la Banque mondiale. Côté prises de position, il défend ardemment des « philanthropes » tels que David Rockefeller, Bill Gates ou Warren Buffett. En parallèle, Rasmussen a fondé l’hebdomadaire danois Mandag Morgen, qui dispose d’un think tank lié, Tænnketanken, lui-même partenaire de grandes organisations dont des GAFAM et le Pacte mondial de l’ONU.
L’omniprésence de Davos
Le Climate Copenhagen Council (CCC) dispose initialement d’une trentaine de conseillers. Sans prétende à l’exhaustivité, la lecture de quelques noms et pedigrees suffit à cerner qu’à nouveau les mêmes réseaux écoconvergents et néo-malthusiens sont à l’œuvre. Par le passé s’y trouvait par exemple Björn Stigson, alors président du World Business Council on Sustainable Development (WBCSD), une organisation fondée en 1995 par Stephen Schmidheiny – qui fut l’un des plus proches collaborateurs de Maurice Strong, mentor de Klaus Schwab. Stigson était par ailleurs membre du directoire de plusieurs organisations, parmi lesquelles la Clinton Global Initiative. James Lovelock, père de l’hypothèse Gaïa et co-dirigeant de l’ONG partisane de la réduction démographique Population Matters, était également conseiller du CCC. Idem pour Robert Purves, président du WWF Australia de 1999 à 2006, George Kell (directeur exécutif du Pacte mondial de l’ONU), Sir Richard Branson (Virgin Group, et membre d’ONG influentes comme The Elders et Ocean Elders), Jim Rogers (ancien vice-président du World Business Council on Sustainable Development, ancien PDG de Duke Energy, et ancien vice-chairman de l’ONG The Nature Conservancy), etc.
Les profils les plus influents ne sont toutefois pas les plus connus. C’est ainsi le cas d’un certain James Cameron, à distinguer de son homonyme transhumaniste et réalisateur d’Avatar et de bien d’autres films. Cameron incarne l’écoconvergence si chère à Maurice Strong et à Davos. Sa fiche sur Sourcewatch le définissait comme vice-chairman de Climate Change Capital, un fonds d’investissement dédié aux « opportunités économiques créées par l’économie bas-carbone », approche que ne renierait pas Jean-Marc Jancovici. Objectif affiché du fonds : fournir un réel retour sur investissement à ses clients. Dit autrement, l’économie avant l’écologie, l’économie grâce à l’écologie. À l’instar du sorosien Morton Halperin ou de son compatriote britannique Jonathon Porritt, James Cameron multiplie les jetons de présence et son profil le caractérise clairement comme un agent d’influence de la couronne.
Cameron dispose par ailleurs d’une place de choix à Davos, tant comme vice-président au Conseil pour l’agenda mondial sur la mesure de la durabilité que comme membre du bureau consultatif de l’Indice sur la compétitivité mondiale lancé par la structure de Schwab. Le Forum nous apprend en outre que Cameron préside le directoire de l’Overseas Development Institute, un think tank gouvernemental britannique et, à ce titre, vecteur du soft power insulaire. Comme pour toute toile d’araignée, les spirales sont reliées. L’Overseas Development Institute accueille ainsi également Lord Adair Turner, entre autres ancien administrateur chez McKinsey, ancien administrateur du chapitre britannique du WWF (décidément omniprésent), mais aussi directeur du Center for European Reform (CER). Ce dernier, que nous traiterons dans un article ultérieur, monte en puissance et devient progressivement l’un des think tanks les plus influents auprès de la Commission européenne.
Mais le pedigree de Cameron ne s’arrête pas là. Il appartint par le passé au directoire dédié au développement d’OXFAM, la célèbre ONG un peu financée par George Soros, mais beaucoup plus par Bill Gates, et dont la branche française est présidée par l’ancienne ministre Cécile Duflot. James Cameron siégea par ailleurs au directoire de l’Environmental Law Foundation (proche des réseaux de lobbying sur l’écocide) et de la Climate Bonds Initiative (CBI), une structure d’écobusiness officiellement dédiée à la mobilisation des obligations financières climatiques en faveur de « solutions pour le changement climatique ». La CBI fut sans surprise lancée notamment par le Carbon Disclosure Project, une structure de promotion du capital vert que Cameron a présidée. Enfin, James Cameron a siégé au directoire du Worldwatch Institute, une autre organisation environnementale. De 1974 à 2000, cet Institut fut dirigé par l’influent Lester Brown (350.org, Population Institute, Cosmos Club, Council on Foreign Relations, United Nations Foundation, Friends of the Earth 1, Global Footprint Network, etc.), un homme très proche de Maurice Strong.
Sustainia mentionne par ailleurs deux autres membres, absents de la fiche de Sourcewatch rédigée voici plusieurs années : Connie Hedegaard et Al Gore, qui parachèvent l’affiliation au Forum de Davos. La première, ancienne ministre de l’Environnement du Danemark puis commissaire européenne à l’Action pour le climat (2010-2014), est rédactrice au Project Syndicate financé par George Soros, et affiliée au Forum de Davos. Le second siège au directoire du même Forum et de celui d’Apple. Gore est par ailleurs ancien vice-président américain et chairman de Generation Investment Management, un acteur influent de la finance verte.
Quant à Sustainia elle-même, son site précise qu’elle s’est émancipée du Mandag Morgen en 2012. Or une recherche rapide révèle que son ancienne PDG et fondatrice (2011-2016, en réalité janvier 2012 – août 2016 selon son profil LinkedIn) n’est autre qu’une certaine Laura Storm. Le reste de son CV n’étonnera guère : ancienne directrice de projet du think tank rattaché au Mandag Morgen (dont directrice de projet au Copenhagen Climate Council) d’août 2006 à janvier 2012, et directrice de projet au World Business Summit on Climate Change de décembre 2008 à décembre 2009. Désormais et depuis janvier 2018, elle dirige Regenerators, une organisation qu’elle a fondée et qui se consacre à l’économie « régénérative » (en somme, régénérer, réparer le monde). Bien entendu, Laura Storm est une Young Global Leader de Davos et fait partie de son réseau d’experts sur le développement durable et le changement climatique, et a été nommée « Worldchanger » par le groupe Greenbiz.
- Pass carbone — Première partie : l’Union européenne
- Pass carbone — Deuxième partie : l’ombre de l’Earth Charter
- Pass carbone — Troisième partie : la caution Jancovici
- Pass carbone — Quatrième partie : WWF et biodiversité
- Pass carbone — Cinquième partie : WWF et transition écologique
- Pass carbone — Sixième partie : WWF et Wilderness
- Pass carbone — Huitième partie : Carbon coin
1 – Une ONG d’ailleurs bien présente à Davos.
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