Ces 2 et 3 juin se tient la Conférence Stockholm +50, en hommage à la première Conférence de 1972 du même nom. Un long parcours jalonné d’étapes qu’il convient de rappeler.
En 1968, sur impulsion de la famille Rockefeller et de leur fondation, un think tank néo-malthusien, le Club de Rome, a vu le jour, co-créé par l’industriel Aurelio Peccei et un ancien directeur de l’OCDE, le Britannique Alexander King. En 1969, l’Assemblée générale des Nations unies envisagea d’organiser une première conférence intergouvernementale sur les problématiques environnementales. Après le processus de Founex en 1971, ce souhait déboucha sur la Conférence de Stockholm. Sur demande de U Thant, alors secrétaire général des Nations unies, Maurice Strong (1929-2015), devenu ensuite le mentor de Klaus Schwab, occupa ce poste pour la Conférence dont il fut l’une des personnes clés.
Deux rapports furent centraux lors de Stockholm. Only One Earth. The Care and Maintenance of a Small Planet (Nous n’avons qu’une Terre), fut le rapport préparatoire, écrit sur demande de Maurice Strong par la socialiste fabienne Barbara Ward et René Dubos. Le second rapport, The Limits to growth (Halte à la croissance ?), est connu sous le nom de Rapport Meadows et fut réalisé par le Club de Rome. Il s’accompagnait alors d’un programme politique aux bases ancrées dans cette publication : Blueprint for Survival (Changer ou disparaître. Plan pour la survie). Notons en outre que Maurice Strong et Aurelio Peccei étaient amis et collaborateurs depuis la fin des années 1960 1, en plus d’être tous deux des agents d’influence de la Fondation et (surtout pour Strong) de la famille Rockefeller. Quoiqu’il en soit, cette Conférence a marqué un tournant considérable avec l’implémentation d’un agenda environnemental à vocation mondiale et totalisante (i. e. écologique). Selon Strong, Stockholm a consacré « une nouvelle ère de la diplomatie environnementale » 2.
La Conférence de 1972 a également impulsé l’idée de « développement durable » (mentionné pour la première fois par Barbara Ward dans son livre de 1966, Spaceship Earth), grâce à Maurice Strong. Achim Steiner, disciple revendiqué de ce dernier et actuel administrateur du Programme de l’ONU pour le développement (PNUD), a ainsi déclaré à la mort de son mentor, en 2015, que Strong « fut un visionnaire et un pionnier du développement durable mondial. » Si le sommet de Nairobi en 1982 fut annulé, l’idée de développement durable continua à faire son chemin jusqu’à la commission Brundtland. Maurice Strong avait pour sa part proposé le concept d’éco-développement dans la Déclaration de Cocoyoc de 1974, un colloque organisé par l’ONU. Mais dans son autobiographie, Strong reconnut que le terme de « développement durable » eut plus de succès, entériné par la suite par la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement dont il fut membre. Connue sous le nom de Commission Brundtland car dirigée par Gro Harlem Brundtland, entre autres future davosienne et directrice générale de l’OMS, la Commission déboucha en 1987 sur la publication du rapport Our Common Future (Notre avenir à tous), qui grava dans le marbre le développement durable. Un an plus tard, en 1988, Maurice Strong cofonda le GIEC, l’influent lobby climatique.
Suite au rapport Brundtland, l’Assemblée générale de l’ONU a sollicité la tenue d’une conférence sur l’environnement et le développement. L’objectif serait notamment d’établir un partenariat entre les nations en développement et les plus industrialisées. Cette dynamique a mené au Sommet de Rio, en 1992, pour lequel Maurice Strong fut nommé secrétaire-général. Rio déboucha sur trois conventions, dont la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, entrée en vigueur le 21 mars 1994 et ratifiée par 197 pays. Parallèlement au développement durable, elle mettait sur le devant de la scène cette thématique, devenue aujourd’hui un fait social total maussien. Mais surtout, le Sommet de Rio a consacré une dyade :
- un plan d’action : l’Agenda 21 (devenu en 2015 l’Agenda 2030), programme politique environnemental alors adopté par 182 chefs d’État, mais aussi – et surtout
- une déclaration de principes : la Charte de la Terre. Cette Charte, impulsée principalement par Maurice Strong et Steven C. Rockefeller, est un texte à vocation millénariste. Une première ébauche en fut présentée au Sommet Rio+5, en 1997.
Mais soyons très clair, l’action de l’ONU ne sera pas le seul objectif. Le vrai but de la Charte de la Terre est qu’elle devienne en pratique comme les Dix Commandements, comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Maurice Strong, Earth Charter 1998
En 2000, le texte de la Charte de la Terre fut officiellement lancé. À ce jour, Earth Charter International est une ONG, toujours présidée par Steven C. Rockefeller.
La Charte a été consacrée par le mouvement New Age, dont Strong a été une figure notable, à l’instar de son ami Laurance Rockefeller. En 2001, une Arche de l’Espoir, singerie de l’Arche de l’Alliance, a été créée pour recueillir une version manuscrite rédigée sur du papyrus de la Charte de la Terre, en compagnie de livres de Temenos – téménos renvoyant à un cercle sacré magique.
L’Arche de l’Espoir, loin de se limiter à un simple folklore, a été présentée à l’ONU en 2002, pendant la réunion préparatoire du Sommet de Johannesburg. En outre, si la référence à la Charte de la Terre a été supprimée de la déclaration politique de ce Sommet, deux hauts membres de l’ONG Earth Charter International ont par la suite précisé que ses principes avaient tout de même été incorporés au texte final. En 2020, un livre publié conjointement par le Programme des Nations unies pour l’Environnement 3 et le Parliament of the World’s Religions, a confirmé des vues communes. Dans Faith for Earth. A Call for Action, les deux organisations écrivaient ainsi que leur mission « correspond aux principes et aux objectifs articulés dans la Charte de la Terre ».
Deux ans avant Johannesburg, l’ONU adopta à New York (en 2000) les Objectifs du millénaire pour le développement. Ils fixaient la réalisation de huit objectifs à horizon 2015. En 2015, les Objectifs du millénaire pour le développement furent supplantés par l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD). Nous en trouvons une déclinaison explicite dans les prétentions du Great Reset de Klaus Schwab et Thierry Malleret puis, par extension, dans le Pacte vert pour l’Europe de la davosienne Ursula von der Leyen. Ces ODD, préparés à Rio+20 en 2012, avaient d’ailleurs reçu une participation du World Economic Forum, sur la demande de Strong. Ce dernier avait demandé à Schwab d’appuyer les autorités brésiliennes dans la recherche de « mécanismes innovants et multi-partites qui pourraient appuyer l’agenda officiel pour ce qui deviendrait les Objectifs de développement durable » 4. Rio+20 a poursuivi sur la lancée de l’agenda vert, avec le texte final « L’avenir que nous voulons ».
La suite de l’environnementalisme nous est davantage connue, en particulier depuis la COP21 et l’Accord de Paris, en 2015, puis avec les COP ultérieures. Jusqu’à Stockholm+50 cette année, sommet décennal de 2022, avec pour slogan « Une planète saine pour la prospérité de toutes et tous – notre responsabilité, notre chance ». Le programme du Sommet est en osmose avec de nombreuses thématiques abordées à l’édition 2022 du Forum de Davos.
1 – Strong (Maurice), Where on Earth are we Going, format Kindle, emp. 1917. Il s’agit de l’autobiographie de Maurice Strong, riche en informations, silencieuse sur d’autres (son implication massive dans le New Age notamment avec sa propriété de Crestone dans le Colorado et la Manitou Foundation cofondée avec sa veuve Hanne).
2 – Ibid., emp. 2199.
3 – PNUE, créé suite à Stockholm en 1972 et dont Strong fut le premier directeur.
4 – Remembering Maurice F. Strong. Tributes and Reminiscences. Legacy for the future and future generations, p.197
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